LUCIEN HUCHARD (1904-1993)

Portrait de Lucien Huchard par son épouse (Années 1930)

Portrait de Lucien Huchard par son épouse (Années 1930)

Lucien est né en 1904 dans le dix-neuvième arrondissement de Paris. Ses parents, nés à Paris également, sont d’origine bourguignonne pour son père et vendéenne pour sa mère. Son père est piqueur puis ingénieur civil à la Ville de Paris comme le fut son grand-père qui travailla avec Fulgence Bienvenue. Sa mère reste à la maison pour élever les trois enfants :   la sœur ainée, le fils cadet, Lucien étant le benjamin.

La gent masculine dispose d’un excellent coup de crayon et d’une oreille musicale. En effet, la famille baigne dans une atmosphère musicale. Le père est instrumentiste et chef d’orchestre : il dirige notamment l’orchestre symphonique du 19ème arrondissement dont Jules Massenet est le président d’honneur. L’oncle de Lucien compose de la musique et laissera un certain nombre de livrets. Le frère de Lucien joue de la trompette.

Dans son cahier de mémoires, Lucien rapporte que « son frère est appelé aux armées en janvier 1915. Par le fait d’être à la musique, il devient brancardier. En septembre 1915, c’est en allant en plein jour avec trois camarades chercher un blessé, qu’un obus faucha le groupe d’après la citation accompagnant la croix de guerre… Ce fut un voile noir qui tomba sur la famille. Ce fut silence et tristesse. »

Après son certificat d’études complémentaires, Lucien entre à l’Ecole Germain Pilon à Paris, première école d’Arts appliqués. Il apprend notamment le dessin et le modelage, la perspective, le dessin géométrique, l’histoire de l’Art, l’anatomie…

Dès son plus âge, Lucien fait connaissance avec les balbutiements du cinéma : la famille montre une grande curiosité à l’égard de ce nouvel art. Vers 1920, il reproduit en couleurs les portraits des vedettes de cinéma ; en effet, son oncle dont l’ami est André de Reusse, fondateur du premier journal cinématographique, lui donne chaque semaine un exemplaire de l’Hebdo film : de là, sa passion pour le cinéma et pour l’affiche.

 

Ses débuts d’apprenti lithographe datent de 1921 à l’imprimerie Daude, puis à l’Affiche d’Art.

Les Huchard demeurent dans un atelier aux 8ème et 9ème étages de cet immeuble situé au 26 rue des Plantes à Paris

Les Huchard demeurent dans un atelier aux 8ème et 9ème étages de cet immeuble situé au 26 rue des Plantes à Paris

En 1926, il épouse Henriette Huchard. Depuis 1913, la famille Huchard habite la banlieue : tout d’abord Montgeron puis Villeneuve-Saint-Georges où il rencontre la jeune Henriette. Le jeune couple déménage à Paris en 1933 dans un atelier d’artiste situé au 26, rue des Plantes.

Lucien va d’imprimerie et imprimerie jusqu’en 1927 où il a la chance de retrouver un écrivain lithographe qui, devenu sous-directeur de l’imprimerie Courbet, lui offre de le remplacer en lui donnant sa clientèle. Il y reste pendant quarante ans à l’exception des périodes de guerre et d’occupation. En 1930, il réalise pour le Crédit Lyonnais, une campagne d’affiches à apposer dans les gares : pour cela il embauche des lithographes. Il travaille toute la journée à l’imprimerie puis poursuit à partir de 1934 son travail à la maison courbé sur une grande table de 2 m de long et souvent très tard dans la nuit.

Il faut savoir que les dessinateurs lithographes sont rémunérés à la pièce. Leurs revenus dépendent du niveau des commandes, de leur importance et de la qualité du travail réalisé. Bien entendu, la situation est moins précaire lorsque Lucien est intégré à l’imprimerie. Cette précarité oblige son épouse à passer les concours du professorat de dessin afin de disposer au minimum d’un salaire stable ; Lucien ne pouvant exercer son métier que dans la capitale, elle passera le concours du professorat de la Ville de Paris. Mais le couple devra toujours faire face aux aléas économiques et par là, à l’irrégularité de leurs revenus jusqu’à un niveau extrêmement faible lors de la guerre et de l’occupation.

Lucien Huchard Atelier de l’imprimerie Courbet

Lucien Huchard Atelier de l’imprimerie Courbet

On ne peut qu’être admiratif devant sa grande habileté à dessiner les lettres à main levée sur le zinc ou sur tout autre support – exécution parfaite, on croirait ces lettres reproduites avec des caractères de métal. Lucien est ce que l’on appelle un écrivain-lithographe.

La carrière de Lucien suit l’évolution technique et économique de l’affiche publicitaire. Ainsi, au tout début on utilise la pierre ; bien vite, le lithographe dessine directement sur la plaque de zinc, puis plus tard sur les films et passe de la presse lithographique à l’offset. On n’a malheureusement plus besoin de lithographe : la photographie supplante le dessinateur et révolutionne l’impression des affiches. Le métier de lithographe disparaît se limitant à la seule reproduction d’œuvres artistiques sur papier.

Lucien participe à de très nombreuses campagnes de publicité. Parmi celles-ci : les apéritifs Birrh, Dubonnet, les vins Nicolas, Air France, les magasins Printemps Prisunic, des banques, des marques de voiture, les campagnes électorales, les emprunts obligataires etc…

Portrait de Lucien Huchard par son épouse (Années 1980)

Portrait de Lucien Huchard par son épouse (Années 1980)

Maîtrisant le dessin et la lettre, Lucien est tout au long de sa vie un allié précieux dans le travail de son épouse : il prodigue des conseils avisés, son bon goût, son aide efficace en particulier dans les créations nouvelles et l’exécution de certaines œuvres. A partir des années 30, Henriette se lance dans la reproduction de ses dessins sur du verre : avec elle il manipule de l’acide pour graver le verre. Il  lui apporte une aide pour la réalisation d’œuvres de grande envergure : le panneau figurant « La Causométrie », les panneaux décoratifs du Salon Touriste du paquebot France, soit 42 m2 réalisés en deux mois d’été 1971 puis en 1985 une peinture murale sur le martyre d’une Sainte (35 m2)….  Il est très attentif à la qualité et à la technique lors du tirage des épreuves de gravure sur cuivre, il participe également au travail minutieux de la réalisation des tapisseries.

Lucien et Henriette Huchard ont en commun la passion de l’Art et la partageront pendant 67 années. Pleins de créativité, d’enthousiasme, ils habitent des lieux qu’ils rendent  chaleureux. Il a avec son épouse cette vertu de l’ardeur au travail.  Il dessine, compose des poèmes, écrit des scenarii de films qu’il a pour certains réalisés : quelques courts métrages et des films documentaires sur ses voyages.

En effet, chaque année, il prépare des voyages à travers le monde, avec une minutie qu’un professionnel n’aurait apportée, cherchant pour chaque participant un point d’intérêt. Citons quelques-uns : le Maroc en 1939 (son épouse ayant obtenu une bourse pour ce séjour), la Yougoslavie en 1955, le Liban en 1950 et l’épopée en 1963 de rejoindre ce pays en voiture, le Mexique de part en part, plusieurs voyages en Inde et en Egypte, aux Etats-Unis en 1991.

Lucien Huchard disparaît en 1993. Il repose au Cimetière Montparnasse ; son épouse le rejoindra en 2007.